Rapport d’étape dec 2008

RAPPORT D’ÉTAPE DECEMBRE 2008 / / télécharger en format pdf

Ce que les usagers et Internet font à la prescription culturelle publique et à ses lieux : l’exemple de la musique en Ile de France

Équipe de recherche
Jean-Marc Leveratto, professeur de sociologie, laboratoire Erase
François Ribac, compositeur et docteur en sociologie, laboratoire Erase

Rapport d’étape n°1 sur l’avancement de la recherche / décembre 2008

Introduction
Ce projet de recherche a pour objectif de (mieux) cerner ce que la redéfinition en cours de l’espace public -induite par Internet et l’irruption des usagers- fait à la prescription culturelle publique de musique et à ses lieux. Pour cela, la première partie de la recherche de terrain, qui comporte trois phases distinctes, consiste à documenter l’activité de deux formes émergentes de partage et de prescription de musiques sur Internet ; les blogs musicaux et les forums de discussion et d’échanges de musiques. Ce premier rapport d’étape décrit  la méthodologie qui a été élaborée avec le logiciel RéseauLu, et avec le soutien de son concepteur Andreï Mogoutov, pour recueillir des données sur l’activité de ces plate-formes. En effet, l’acquisition de données sur les échanges et les contenus mis en ligne doit permettre :
-Premièrement, de faire des mesures quantitatives et qualitatives de l’activité des plate-formes étudiées et de les comparer entre elles.
-Deuxièmement, d’utiliser ces mesures pour informer la façon dont les entretiens -et plus généralement l’ensemble de l’enquête- seront préparés et menés.
-Troisièmement, au-delà de la dimension métrologique, le logiciel peut aider à décrire -au moins partiellement- la structure des segments de blogosphère musicale étudiés et, par là, de proposer des hypothèses plus générales sur la nature des relations dans la blogosphère musicale.
Pour remplir ces objectifs, le logiciel a été configuré afin de mesurer sur le Web, les contenus promus et échangés sur les blogs (liens vers d’autres sites, musiques à télécharger, formats d’encodage, styles musicaux et artistes proposés, fréquence des messages, sites utilisés pour déposer des fichiers, référencement du site par les agrégateurs, nombre de commentaires déposés par des internautes etc…). Dans la mesure où il s’agissait avant tout d’établir une méthode pour sonder (et trier) les données on line, cette phase exploratoire a seulement concernée les blogs. En effet, dans la mesure où le logiciel sonde les codes sources des sites, le recueil, la mesure et le traitement des données peuvent être ensuite aisément transposés à toutes sortes d’autres plate-formes telles que des webzines, des forums, des sites institutionnels, etc…

I Une première sélection
Depuis le lancement de l’étude, une première sélection de blogs a donc été opérée, ceci afin de pouvoir explorer in situ les possibilités du logiciel et de comprendre quels types de paramètres étaient accessibles et donc “répertoriables”. D’une part, un « pré-panel” de onze blogs (que l’on suppose) basés en France et/ou francophones1. D’autre part, un panel international de quarante-huit blogs. Pour être retenu, chacun des blogs devait être effectivement en activité en novembre 2008 (moment où les choix ont été opérés), librement accessible pour tout internaute et exister depuis au moins un an. En sus, les blogs du panel international étaient tous recensés dans le site agrégatif historique de la blogosphère musicale totally fuzzy. Autant que possible, chacun des deux panels comprend la plus grande variété de styles musicaux. Insistons enfin sur le fait que cette première sélection est susceptible d’être modifiée avant le commencement proprement dit de l’enquête, notamment en fonction des critères définis grâce au logiciel.

II Mettre à jour l’activité des blogs

a) Les liens vers d’autres sites
À partir de là, la première expérimentation a consisté à sonder les codes sources du panel francophone afin de vérifier s’il était effectivement possible de répertorier les liens allant vers d’autres blogs, de mettre à jour une sorte de “structure des affinités”. En effet, et comme dans la plupart des sites internet, la première page des blogs musicaux comporte, en règle générale, une rubrique recommandant d’aller visiter d’autres sites du même genre. Pour cette première étude, le logiciel s’est intéressé à l’ensemble des liens vers d’autres blogs musicaux présents dans le panel francophone

carte1

Carte n°1 : liens vers d’autres blogs du panel francophone

De même, la carte n°2 recense les liens pointés, par le panel international, vers d’autres blogs musicaux.

carte2Carte n°2 :  liens du panel international vers d’autres blogs

Dans la mesure où il s’agit ici de présenter la méthodologie de travail et non pas de commenter des “résultats” on ne se livrera pas à une analyse des cartes n°1 et 2. Cependant, on comprend qu’en rendant disponible ces données, on peut comparer les deux structures représentées et notamment poser (ou infirmer) l’hypothèse d’une spécificité propre du panel francophone, et du panel francilien qui sera constitué.

c) Établissement de la réputation
Si l’analyse des liens allant vers d’autres blogs permet bien entendu de donner une représentation de la structure qui relie différents blogs, elle permet aussi de mesurer la réputation -et partant de là l’autorité- des animateurs des plate-formes de mutualisation de musique en ligne. On peut alors imaginer qu’à partir d’une étude qualitative de la fréquentation (nombre de connexions), des commentaires des internautes, des contenus mise en ligne et des modalités par lesquelles ils sont proposés aux internautes (par exemple la langue utilisée, la rhétorique, la mise en page, etc…), on puisse déterminer ce qui fonde la réputation d’un blog et son (absence d’) impact dans la blogosphère. Précisément la carte ci-dessous donne un exemple – à l’échelle du panel international- des blogs les plus cités par les “collègues”.

carte3carte n°3 : réputation des blogs du panel international -totally fuzzy y compris- établie à partir du nombre de fois où ils sont « linkés” par d’autres blogs.  Les couleurs permettent de dissocier les suffixes de fin (par exemple .org) des adresses URL et par conséquent de repérer les plate-formes (par exemple blogger de Google) utilisées par les blogueurs et/ou les pays où sont domiciliés les blogs.

d)  Fréquence des messages
On sait qu’un blog consiste à publier des messages (accessibles individuellement par des liens URL distincts) sur un site Internet, à mi-chemin entre le quotidien d’information et le journal intime. De ce fait, l’intérêt d’un blog musical (pour un internaute comme pour un chercheur en sciences-sociales) dépend notamment de la fréquence des messages (posts) et de la longévité du blog. Partant de cette idée, une méthode a été mise au point pour que le logiciel RéseauLu puisse mesurer la fréquence des messages d’une même plate-forme. Le tableau ci-dessous montre le nombre de messages émis, durant trois ans, par un des blogs du panel francophone (intitulé martian-shaker.blogspot.com). Bien entendu, cette capacité de mesure s’avérera fort utile pour rendre compte de l’activité et de la régularité de publication des plate-formes, d’autant plus si elle est mise en parallèle avec le nombre de commentaires et la fréquentation des usagers.

tableau1Tableau n°1 : fréquence de publication d’un blog durant trois ans

Conclusion
Grâce aux applications spécifiques développées par Andreï Mogoutov avec le logiciel RéseauLu, l’équipe de recherche dispose d’un outil puissant lui permettant d’analyser qualitativement et quantitativement les contenus échangés sur les différentes plate-formes  étudiées, qu’il s’agisse des albums ou des morceaux de musique ou des discussions entre internautes. En outre, en contribuant à la perception de la structure relationnelle de la “blogosphère francilienne”, à la localisation de l’origine nationale les plate-formes, des contenus musicaux et des langues usitées, le logiciel RéseauLu montre sa capacité à mettre en évidence la dimension territoriale des pratiques et des outils étudiés.
La partie suivante de l’enquête consistera, en s’appuyant sur une mesure de leur activité, à constituer définitivement les deux panels de blogs et les forums de discussion. Après quoi, des contacts seront pris avec les personnes que l’on désirerait interroger : animateurs des différentes plate-formes, d’une part, responsables et gestionnaires des sites des lieux de diffusion, d’autre part. En parallèle, on commencera à dessiner les contours du mini site Internet qui rendra compte (des matériaux et des analyses) de cette recherche.